funérailles de Lahaut |
Chaque année, le 18 août, nous commémorons
l’assassinat de Julien Lahaut en 1950. Mais peu de gens se rappelent encore
comment ce monument a été érigé. André Dans nous l’explique dans son autobiographie.
« En 1954-1955 célébrer d’une manière éclatante le 5° anniversaire de
l’assassinat de Julien Lahaut devenait un objectif majeur. Nous considérons
qu’un monument dont le projet était toujours dans les limbes devait être
inauguré à cette occasion et une manifestation nationale d’hommage à Seraing
l’accompagner."
Le projet de Paul Renotte n’est pas retenu
veillée funèbre - photo Sg autrefois |
" Le comité national ‘Monument Julien Lahaut’
opère son choix parmi un nombre important de propositions. Malheureusement,
l’œuvre de Paul Renotte n’est pas retenu : une grande flamme élancée comme
si elle allait gagner le ciel. Paul Renotte en conservera une rancœur qu’il
traduisit plus tard dans une remise en cause du réalisme socialiste ».
Paul Renotte a été échevin des Beaux-Arts de Liège de 1947 à 1952 pour le Parti
Communiste. Non seulement il était un artiste de haut niveau, et un échevin qui
a marqué la politique culturelle de Liège, il avait aussi des liens très forts
avec Lahaut. En juin 1943, après l’invasion de l’URSS, Lahaut avait été arrêté, ensemble avec
Renotte. Ils se sont évadés de Huy ensemble, en prenant de fameux risques, car
la citadelle est haut perchée, la descente est à pic.
Ronde des prisonniers à la Citadelle de Huy (Arch. JEA/DR). |
Marcel Baiwir raconte comment le premier à
s’évader fut Renotte, le second Terf suivi de Lahaut qui tombe et se blesse. Il
était convenu que celui qui arrivait en bas filait sans attendre le suivant,
étant donné l’endroit. Lahaut sera repris. Renotte et Terf parviendront à
s’enfuir. Ils finiront la période de guerre sans être repris).
Renotte avait donc des arguments à faire
valoir. Je ne connais évidemment pas les considérations qui ont mené le comité
national ‘Monument Julien Lahaut’ au
choix qu’on connait maintenant, mais je trouve que le monument existant a
beaucoup de qualités et représente avec force ‘nos Julien’. La statue est l’oeuvre
du sculpteur Robert Delnest , qui avait participé
à des expos à Moscou, Leningrad, Buenos-Aires, Caire. Ses œuvres trônent dans
les maisons coùmmunales de Charleroi, Quaregnon, Binche, et dans les gares du
Nord et du Midi à Bxl.
Au sein du mouvement communiste des considérations
personnelles doivent être mises de côté et j’estime que cela a été probablement
le cas ici. Maintenant, ceux qui ont connu Renotte pourront juger la rancœur
qu’il aurait éventuellement ressentie.
Mais il
me semble qu’André Dans se trompe en faisant un lien direct avec le débat au
sein du mouvement communiste sur le réalisme socialiste. Ce débat était loin
d’être figé, certainement au niveau de PCB – il suffit de lire Roger Somville,
mais aussi en Union Soviétique (voir mon blog)
Fermons la parenthèse Renotte.
Récolter du cuivre à Seraing
Le Monde du Travail, 28 août 1950, Coll. ILHS |
Reprenons le fil d’André Dans :
« Nous aurions voulu que cette statue soit édifiée sur une place publique.
De longues discussions avec le bourgmestre socialiste J.J. Merlot n’aboutirent
point. Pour le bronze nous récolterons du cuivre à Seraing. Pendant des mois
nous organisons la visite de tous les foyers sérésiens, quémandant le cuivre
nécessaire. Il faut deux tonnes de bronze et nous récoltons 1500 kilos de
cuivre ».
Le comité vend aussi des milliers de bustes de
Lahaut en plâtre, bustes que l’on retrouve aujourd’hui régulièrement sur les
brocantes.
Dans explique comment une vaste cérémonie
populaire pour l’inauguration fixée et 18 août 1955 fut organisée. Ca me fait
penser à la première édition de Manifiesta qui a aussi été balayé par une tempête :
« Le matin, manifestation nationale et l’après midi fête populaire digne
et artistique. Un pépin de la dernière heure : le sculpteur ne pouvait
fournir la statue pour le jour prévu. Comme le moule était en ordre, on coule
une reproduction en plâtre.
Tout est prévu : même la reconstitution
de la passerelle d’où régulièrement le leader sérésien s’adressait aux
travailleurs. Des comptoirs, des centaines de tables, des milliers de chaises
avaient été disposés. Nous avions tout prévu, sauf le temps.
Wallons, flamands, Bruxellois communiaient
dans une seule et même foi, le socialisme. Tous défilent devant le monument
avant de rejoindre la plaine des sports. Ces agapes en plein air durent une
heure puis c’est la drache nationale. Dès les premières goutes de pluie, on
invite les participants à gagner le théâtre de Seraing,
notre grande salle de
cinéma rue du Papillon. Bon nombre d’autocars repartent vers leur destination
d’origine, mais nous parvenons quand même à réunir deux bons milliers de
camarades à la salle. Sur le court laps de temps dont nous avions disposé, il a
été vendu 200.000 francs de boissons et de nourriture. Nous avions engagé
500.000 francs dans l’opération. Jean Dans fait un appel à la solidarité
prolétarienne qui semble toucher le public. Près de 200.000 francs sont
récoltés » (André Dans Faits et anecdotes 1945-1980 p. 156-158).
coin rue Papillon seraing |
Le monument définitif est inauguré le 19 août
1956. Depuis 1970, le tronçon de la rue de la Vecquée où habitait Julien
Lahaut, compris entre les rues de la Colline et de Stappe, porte le nom de son
illustre habitant.
En 2013 la tombe de Lahaut a été la cible de vandales, de quoi susciter un
débat au conseil communal de Seraing. Le PTB s’est insurgé contre le fait que
la commune n’engage pas des ouvriers communaux pour surveiller les cimetières.
Liliane Picchietti: « Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Vous
n’avez qu’à engager des ouvriers communaux pour surveiller les cimetières ! »
Alain Mathot: "Je ne fais pas ce que je veux comme bourgmestre. Et d’abord, qui va les
payer ? » Le PTB, en tapant son poing sur la table: "Vous n’avez qu’à prendre de
l’argent de votre Master Plan!"
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