mardi 30 juillet 2013

En vélo le long de la Moselle - juillet 2013

citadelle de Sierck
Nous avons cette année 2013 fait du vélo le long de la Moselle, à partir de Sierck-les-Bains, à quelques kilomètres du point des trois frontières de Schengen. Au carrefour des trois frontières se trouvent Apach en France, Perl en Allemagne et Schengen au Luxembourg. En 1985 sont signés les accords de Schengen entre la France, l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. Cet accord qui consacre l’ouverture des frontières entre les pays signataires est élargi à 25 pays avec la convention Schengen de 1990 traite de la coopération policière et de l’immigration. Schengen est un bled, mais le village est pas mal aménagé en honneur de ces accords historiques.
Faire du vélo le long d’un chemin de halage est en général plat ; et souvent on a plein d’endroits intéressants où faire un petit arrêt. On a rayonné dans les deux directions : la Moselle française jusqu’à Metz, et la Moselle gemano-luxembourgeoise.
Le contraste est frappant entre la Moselle française – un paysage où dominent les tours de refroidissement de Cattenom, usines et friches industrielles – et la Moselle pittoresque qui fait frontière entre le Grand Duché de Luxembourg et l’Allemagne qui se déroule entre vignobles, et campings.
Commençons donc par le tronçon le plus agréable, entre Schengen et Wormeldange, ou du côté allemand entre Perl et Wincheringen. Attention : la piste cyclable du côté grand ducal est à partager avec un trafic certes local mais quand même non négligeable. Comme le partage entre vélo est bagnole est rarement équitable je préfère le Moselradweg côté allemand. Tout en n’oubliant pas de passer le fleuve pour une visite à Schengen, Remich ou Grevenmacher, siège de nombreux négociants  et coopératives de production vinicole. On n’a pas été jusqu’à Wasserbillig, la  dernière ville luxembourgeoise sur la Moselle. Un mini-ferry y assure  le passage de 4 voitures. De Wasserbillig part le Sauerradweg, 60 km assez plat via Echternach jusqu’Ettelbrück. Un peu plus loin, à Konz, au confluent de la Sarre et de la Moselle, démarre le Saarradweg (deux destinations prochaines ?).

La véloroute Charles le Téméraire 

La véloroute de 260 km le long de la Moselle lorraine a été baptisée « Charles le Téméraire ». On pourrait se demander ce qu’a fait Charles pour la Lorraine, à part mettre le pays en feu et à sang (comme il l’a fait d’ailleurs pour Liège en 1468). Mais ce dernier duc de Bourgogne rêvait de relier les Flandres à la Bourgogne et ce chemin passait par la Moselle. Son rêve se brise  devant les portes de Nancy le 5 janvier 1477. Son corps est dévoré par les loups….
Je ne suis pas le seul à me poser la question de cette dénomination. Sous le titre ‘Charles en débat’ le site Cyclo-idées se demande: « Pourquoi donner le nom de Charles le Téméraire à la piste de la Moselle? Parce que le duc de Bourgogne est mort au pied des murailles de Nancy, ce que l'on ne souhaite pas aux cyclistes d'aujourd'hui? Les allemands l'appellent tout simplement Mosel-Radweg. Ça a l'avantage d'être simple et clair ». Le même site signale d’ailleurs pas mal de ratés dans cette ‘Véloroute’….
On aurait mieux fait de l’appeler Véloroute Moselle-Saône ; on se serait inscrit ainsi dans une réalité géopolitique très ancienne puisque cet axe était déjà pour les romains un axe stratégique : sur le plateau de
Langres il n’y a qu’une quinzaine de kilomètres à franchir par terre pour relier Rhône- Saone, Meuse et Moselle. En 1899 W. M. Davis explique dans les Annales de Géographie  comment la Moselle a capté à une certaine époque une partie du débit de la Meuse. A Toul, la Moselle, reçoit l'Ingressin, un petit affluent ui coule au milieu d'une large vallée qu'il n'a pu creuser lui-même. C'est une des traces de la capture de la Moselle. Autrefois la Moselle se jetait dans la Meuse au niveau de Pagny. Au début de l'ère quaternaire, son cours a été détourné au niveau de Toul.
Les Romains déjà souhaitaient relier la mer méditerranée à la mer du Nord. « A Toul, Vauban reconnut qu’il était possible de joindre la Meuse et la Moselle par un canal de deues lieues; d’unir ainsi les places situées dans les bassins des deux rivières; de faire refluer les munitions d’une ligne sur l’autre, et de conduire jusque sur la Meuse et le Rhin, les productions de la Lorraine et des Trois-Evechés. Cependant le manque de numéraire empêche la réalisation de ce projet ».
Bref, avec l’appellation Véloroute Moselle-Saône, on aurait pu évoquer la géopolitique de Cesar jusque Vauban.

La Moselle française : un paysage marqué par l’industrie

La Moselle française est austère. Mittal n’est jamais loin : nous campions à côté d’une de ses usines à tubes. Un peu plus loin le port Gepor, filiale d’Arcelor-Mittal à Richemont, dessert par fer les usines sidérurgiques de la vallée de l’Orne (900 000t de minerai de fer et 200 000t de charbon par an). A l’entrée du port de Thionville la même Gepor dessert par fer – le temps que ça dure - les usines sidérurgiques de la vallée de la Fensch (expédition de 250 000t d’acier  et 120 000t de rails; réception de 1 000 000t de charbon).
Dans la vallée de la Fensch Mittal ferme actuellement le site de Florange, en parallèle avec Liège. Mais les fermetures dans la région ont commencé avec la crise de 1975.
Les haut-Fourneaux, aciéries et laminoirs de Thionville ont été arrêtées en 1977 suite au plan acier. Les salariés et la population se sont battus pendant de longs mois (grèves, manifestations, Opération Thionville Ville morte, marche sur Paris).
Après ça a été le tour de Longwy : le 3 août 1979, des rouleaux de feuillards bloquent tout le centre de Longwy. La radio libre « Lorraine Coeur D'Acier » soutient une occupation de la tour Eiffel et même le 9 juillet 1979 un blocage du tour de France lors de l'étape de Tellancourt.
Tout ça a laissé 3 000 hectares de friches industrielles issues de l’arrêt d’activités  sidérurgiques, des mines de fer, de charbon  et du textile. Ce qui donne parfois des surprises : la base de loisirs de Basse-Ham, – le seul point d’arrêt
création base loisirs basse ham
presqu’entre Sierck et Thionville, avec ces 30 ha, trois  étangs et une plage ; entrée payante ! - était une plate-forme d’environ 11 ha où la Société Lorraine de Revalorisation (what’s in a name !) traitait des résidus de la sidérurgie. D’autres étangs omniprésents dans le paysage sont en fait d’anciennes gravières (et quelques unes sont d’ailleurs encore en activité).
Les tours de refroidissement de Cattenom (5200Mw) dominent évidemment partout le paysage,  d’Apach à Thionville. Juste avant Metz, à la Maxe, la Véloroute passe à côté d’un cadavre en suspens : une centrale thermique au charbon d’une puissance de 2x250Mw dont la fermeture est programmée en 2015. Et à Richemont on passe à côté d’une friche d’une centrale EDF de 180MW qui fonctionnait au gaz de haut-fourneau, arrêtée en 2010. Pour verdir un peu le blason d’EDF les 3 centrales hydroélectriques sur la Moselle (Argancy, Longeville-les-Metz et Jouy-auxArches) produisent chaque année 60Mkwh.
Mais il y a évidemment aussi des beaux morts. A Uckange le Jardin des Traces est aménagé sur le site du haut-fourneau U4. Mais ça mérite un blog à part.
Paula ni moi nous sentions dépaysés dans ce  paysage industriel en déclin. Ce qui est par contre carrément indigeste est la traversée du Port de Metz : pas aménagée ni sécurisée et même très mal balisée. Metz étudierait les solutions d’emprunter le bord de Moselle ou de traverser la zone par la "rue du Trou aux Serpents". En mai 2013 Metz promettait encore l’aménagement de cette portion de Véloroute pour le printemps 2014. Une promesse peu crédible….
Les accès au centre-ville de Metz ne sont pas aménagés et empruntent des voies routières assez circulantes. Mais une bonne partie de ces voies sont en travaux pour le Mettis – des bus à haut niveau de service – c’est du belge : Van Hool Exquicity livre ces bus «  caisses - et on peut leur laisser le bénéfice du doute. On envisage d’ailleurs à Liège aussi ces bus de 24 mètres de long, avec double articulation, pouvant contenir jusqu’à 150 personnes. sur l’axe Ans- Fléron, s’il reste des sous. Parce que le budget est conséquent : 200 millions d’€ à Metz pour 18 km et deux lignes.
L3V signale encore que l’aménagement de la traversée de la Moselle au niveau du pont de Moulins les Metz est très dangereux. Et au delà de Pagny sur Moselle le trajet est loin d’être continu.

La cérise sur le gateau, Rodemach, la Carcassonne Lorraine

En guise de cérise sur le gateau, je voudrais terminer avec le Rodemach  Boler Tour, 21 km presqu’à plat. Etonnant pour une ville qui se trouve hors vallée. Et quelle ville: Rodemack est la Carcassonne Lorraine, avec ses 700 mètres de remparts, l’industrie touristique en moins. Il y a deux restos et un café-terroir,  la grange a Georges. Et si c’est pour piquer une terrasse, renseigner vous : Georges ouvre le mercredi, vendredi, samedi et dimanche en soirée !
La cité est classée parmi les 139 « Plus Beaux Villages de France. Le circuit vélo traverse la petite rivière de la Boler et contourne le lac de Mirgenbach. Dans la forêt de Cattenom, et on tombe sur des ouvrages de la Ligne Maginot. On passe devant la tour médiévale d’Usselskirsch, nombreux Bildstocks. Bref, un petit circuit intéressant, taillé sur mesure pour Paula et moi.
Mon prochain blog est sur le parc du haut-fourneau 4 d'Uckange. 

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