citadelle de Sierck |
Nous avons cette année 2013 fait du vélo le
long de la Moselle, à partir de Sierck-les-Bains, à quelques kilomètres du
point des trois frontières de Schengen. Au carrefour des trois frontières se
trouvent Apach en France, Perl en Allemagne et Schengen au Luxembourg. En 1985
sont signés les accords de Schengen entre la France, l’Allemagne, le
Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. Cet accord qui consacre l’ouverture
des frontières entre les pays signataires est élargi à 25 pays avec la
convention Schengen de 1990 traite de la coopération policière et de
l’immigration. Schengen est un bled, mais le village est pas mal aménagé en
honneur de ces accords historiques.
Faire du vélo le long d’un chemin de halage
est en général plat ; et souvent on a plein d’endroits intéressants où faire
un petit arrêt. On a rayonné dans les deux directions : la Moselle
française jusqu’à Metz, et la Moselle gemano-luxembourgeoise.
Le contraste est frappant entre la Moselle
française – un paysage où dominent les tours de refroidissement de Cattenom, usines
et friches industrielles – et la Moselle pittoresque qui fait frontière entre le
Grand Duché de Luxembourg et l’Allemagne qui se déroule entre vignobles, et
campings.
Commençons donc par le tronçon le plus
agréable, entre Schengen et Wormeldange, ou du côté allemand entre Perl et
Wincheringen. Attention : la piste cyclable du côté grand ducal est à
partager avec un trafic certes local mais quand même non négligeable. Comme le
partage entre vélo est bagnole est rarement équitable je préfère le Moselradweg
côté allemand. Tout en n’oubliant pas de passer le fleuve pour une visite à
Schengen, Remich ou Grevenmacher, siège de nombreux négociants et coopératives de production vinicole. On
n’a pas été jusqu’à Wasserbillig, la
dernière ville luxembourgeoise sur la Moselle. Un mini-ferry y
assure le passage de 4 voitures. De
Wasserbillig part le Sauerradweg, 60 km assez plat via Echternach jusqu’Ettelbrück.
Un peu plus loin, à Konz, au confluent de la Sarre et de la Moselle, démarre le
Saarradweg (deux destinations prochaines ?).
La véloroute Charles le Téméraire
La véloroute de 260 km le long de la Moselle
lorraine a été baptisée « Charles le Téméraire ». On pourrait se
demander ce qu’a fait Charles pour la Lorraine, à part mettre le pays en feu et
à sang (comme il l’a fait d’ailleurs pour Liège en 1468). Mais ce dernier duc de Bourgogne rêvait de relier les Flandres à la Bourgogne et ce chemin passait par la
Moselle. Son rêve se brise devant les
portes de Nancy le 5 janvier 1477. Son corps est dévoré par les loups….
Je ne suis pas le seul à me poser la question
de cette dénomination. Sous le titre ‘Charles en débat’ le site Cyclo-idées se demande: « Pourquoi donner le nom de Charles le Téméraire à la piste de
la Moselle? Parce que le duc de Bourgogne est mort au pied des murailles de
Nancy, ce que l'on ne souhaite pas aux cyclistes d'aujourd'hui? Les allemands
l'appellent tout simplement Mosel-Radweg. Ça a l'avantage d'être simple et
clair ». Le même site signale d’ailleurs pas mal de ratés dans cette
‘Véloroute’….
On aurait mieux fait de l’appeler Véloroute
Moselle-Saône ; on se serait inscrit ainsi dans une réalité géopolitique
très ancienne puisque cet axe était déjà pour les romains un axe
stratégique : sur le plateau de
Langres il n’y a qu’une quinzaine de
kilomètres à franchir par terre pour relier Rhône- Saone, Meuse et Moselle. En
1899 W. M. Davis explique dans les Annales de Géographie comment la Moselle a capté à une certaine
époque une partie du débit de la Meuse. A Toul, la Moselle, reçoit l'Ingressin, un petit affluent ui coule au milieu d'une large vallée
qu'il n'a pu creuser lui-même. C'est une des traces de la capture de la
Moselle. Autrefois la Moselle se jetait dans la Meuse
au niveau de Pagny. Au début de l'ère quaternaire, son cours a été
détourné au niveau de Toul.
Les Romains déjà souhaitaient relier la mer méditerranée à la mer du Nord. « A Toul, Vauban reconnut qu’il était possible
de joindre la Meuse et la Moselle par un canal de deues lieues; d’unir ainsi
les places situées dans les bassins des deux rivières; de faire refluer les
munitions d’une ligne sur l’autre, et de conduire jusque sur la Meuse et le Rhin,
les productions de la Lorraine et des Trois-Evechés. Cependant le manque de
numéraire empêche la réalisation de ce projet ».
Et en 1776 un ingénieur étudie le tracé d'un canal qui mettrait en relation la Sâone, la Moselle et la Meuse.
Bref, avec l’appellation Véloroute
Moselle-Saône, on aurait pu évoquer la géopolitique de Cesar jusque Vauban.
La Moselle française : un paysage marqué par l’industrie
La Moselle française est austère. Mittal n’est
jamais loin : nous campions à côté d’une de ses usines à tubes. Un peu
plus loin le port Gepor, filiale d’Arcelor-Mittal à Richemont, dessert par fer
les usines sidérurgiques de la vallée de l’Orne (900 000t de minerai de fer et
200 000t de charbon par an). A l’entrée du port de Thionville la même Gepor
dessert par fer – le temps que ça dure - les usines sidérurgiques de la vallée
de la Fensch (expédition de 250 000t d’acier
et 120 000t de rails; réception de 1 000 000t de charbon).
Dans la vallée de la Fensch Mittal ferme
actuellement le site de Florange, en parallèle avec Liège. Mais les fermetures dans
la région ont commencé avec la crise de 1975.
Les haut-Fourneaux, aciéries et laminoirs de
Thionville ont été arrêtées en 1977 suite au plan acier. Les salariés et la
population se sont battus pendant de longs mois (grèves, manifestations,
Opération Thionville Ville morte, marche sur Paris).
Après ça a été le tour de Longwy : le 3
août 1979, des rouleaux de feuillards bloquent tout le centre de Longwy. La
radio libre « Lorraine Coeur D'Acier » soutient une occupation de la tour
Eiffel et même le 9 juillet 1979 un blocage du tour de France lors de l'étape
de Tellancourt.
Tout ça a laissé 3 000 hectares de friches
industrielles issues de l’arrêt d’activités
sidérurgiques, des mines de fer, de charbon et du textile. Ce qui donne parfois des
surprises : la base de loisirs de Basse-Ham, – le seul point d’arrêt
presqu’entre Sierck et Thionville, avec ces 30 ha, trois étangs et une plage ; entrée payante !
- était une plate-forme d’environ 11 ha où la Société Lorraine de
Revalorisation (what’s in a name !) traitait des résidus de la sidérurgie.
D’autres étangs omniprésents dans le paysage sont en fait d’anciennes gravières
(et quelques unes sont d’ailleurs encore en activité).
création base loisirs basse ham |
Les tours de refroidissement de Cattenom
(5200Mw) dominent évidemment partout le paysage, d’Apach à Thionville. Juste avant Metz, à la
Maxe, la Véloroute passe à côté d’un cadavre en suspens : une centrale
thermique au charbon d’une puissance de 2x250Mw dont la fermeture est programmée
en 2015. Et à Richemont on passe à côté d’une friche d’une centrale EDF de
180MW qui fonctionnait au gaz de haut-fourneau, arrêtée en 2010. Pour verdir un
peu le blason d’EDF les 3 centrales hydroélectriques sur la Moselle (Argancy, Longeville-les-Metz
et Jouy-auxArches) produisent chaque année 60Mkwh.
Mais il y a évidemment aussi des beaux morts. A Uckange le Jardin des Traces est aménagé sur
le site du haut-fourneau U4. Mais ça mérite un blog à part.
Paula ni moi nous sentions dépaysés dans ce paysage industriel en déclin. Ce qui est par
contre carrément indigeste est la traversée du Port de Metz : pas aménagée ni
sécurisée et même très mal balisée. Metz étudierait les solutions d’emprunter
le bord de Moselle ou de traverser la zone par la "rue du Trou aux
Serpents". En mai 2013 Metz promettait encore l’aménagement de cette
portion de Véloroute pour le printemps 2014. Une promesse peu crédible….
Les accès au centre-ville de Metz ne sont pas
aménagés et empruntent des voies routières assez circulantes. Mais une bonne
partie de ces voies sont en travaux pour le Mettis – des bus à haut niveau de service – c’est du
belge : Van Hool Exquicity livre ces bus « caisses - et on peut leur
laisser le bénéfice du doute. On envisage d’ailleurs à Liège aussi ces bus de
24 mètres de long, avec double articulation, pouvant contenir
jusqu’à 150 personnes. sur l’axe Ans- Fléron, s’il reste des sous. Parce
que le budget est conséquent : 200 millions d’€ à Metz pour 18 km et deux
lignes.
L3V signale encore que l’aménagement de la
traversée de la Moselle au niveau du pont de Moulins les Metz est très
dangereux. Et au delà de Pagny sur Moselle le trajet est loin d’être continu.
La cérise sur le gateau, Rodemach, la Carcassonne Lorraine
En guise de cérise sur le gateau, je voudrais
terminer avec le Rodemach Boler Tour, 21
km presqu’à plat. Etonnant pour une ville qui se trouve hors vallée. Et quelle
ville: Rodemack est la Carcassonne Lorraine, avec ses 700 mètres de remparts, l’industrie
touristique en moins. Il y a deux restos et un café-terroir, la grange a Georges.
Et si c’est pour piquer une terrasse, renseigner vous : Georges ouvre le
mercredi, vendredi, samedi et dimanche en soirée !
La cité est classée parmi les 139 « Plus Beaux
Villages de France. Le circuit vélo traverse la petite rivière de la Boler et
contourne le lac de Mirgenbach. Dans la forêt de Cattenom, et on tombe sur des
ouvrages de la Ligne Maginot. On passe devant la tour médiévale d’Usselskirsch,
nombreux Bildstocks. Bref, un petit circuit intéressant, taillé sur mesure pour Paula et moi.Mon prochain blog est sur le parc du haut-fourneau 4 d'Uckange.
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