vendredi 16 octobre 2009

Communistes et métallos

Comac m’a demandé début octobre 2009 de donner une petite formation sur ‘Communistes et métallos’.
Je voudrais d’emblée élargir le sujet : les communistes et la classe ouvrière. Même si, ici à Liège, ça ne me dérange pas du tout de parler des communistes et métallos, vu le poids des métallos dans notre région. Mais à Verviers par exemple j’aurais parlé des communistes et les travailleurs du textile.

La classe ouvrière à l’ère des transnationales (EM 72)
Pour les socialistes utopistes, l’initiative historique devait venir d’esprits éclairés, d’individus géniaux ou de capitalistes attirés par le social, ayant découvert « la vérité ». Il fallait améliorer la situation des travailleurs, mais cela ne pouvait être l’œuvre des travailleurs eux‑-mêmes, puisqu’ils étaient illettrés ou sans instruction. Il fallait que quelqu’un s’en charge à leur place, tel était l’avis de Saint-Simon et Fourier.
Karl Marx et Friedrich Engels pensent au contraire que la révolution sociale ne peut être que l’œuvre de la classe ouvrière elle-même. Les « fossoyeurs » de ce système d’exploitation sont les travailleurs eux-mêmes, ont écrit Marx et Engels dans leur Manifeste du Parti communiste.
La classe ouvrière est le cœur battant du système. C’est le travail productif qui crée les richesses de la société. Le capital ne peut augmenter que grâce à la plus-value engendrée dans le processus de production. La classe ouvrière peut très bien exister sans les patrons capitalistes, à l’inverse du patronat, qui n’est rien sans les travailleurs. C’est précisément là que réside le rôle de la classe ouvrière en tant qu’acteur du changement historique. Les travailleurs productifs sont au centre de la production et sont chaque jour confrontés à la contradiction entre travail et capital. Ils sont par conséquent les mieux placés pour comprendre l’essence même de ce système.
Ces fossoyeurs ont-ils disparu aujourd’hui ?
La classe ouvrière, le secteur des services et la (dés)industrialisation
A première vue, les pays les plus développés se dirigent à grands pas vers une économie de services ou une société postindustrielle. Les statistiques officielles ne semblent-elles pas confirmer ces affirmations?
En Europe, 66 % de la population active travaille dans le secteur tertiaire. En Belgique, ce pourcentage est de 73 % et il atteint même 79 % aux États-Unis.
Il convient toutefois de lever le voile sur le mythe du nombre de travailleurs de la production. Le nombre d’ouvriers d’industrie, le noyau productif de la classe ouvrière, est plus important que ce qui est mentionné dans les statistiques classiques sous la rubrique « industrie ». Une importante partie du « secteur tertiaire » salarié fait également partie du noyau productif, à savoir la partie active dans le processus de production, dans le transport ou le stockage. Grosso modo, on peut dire qu’en Europe le prolétariat industriel compte environ 60 millions de travailleurs salariés (dans l’industrie ou les services liés à l’industrie) et, en Belgique, on a un prolétariat industriel de 1,1 million de travailleurs salariés.
En plus, le fait que le prolétariat industriel constitue « la partie prépondérante de la classe ouvrière » n’a rien à voir avec son nombre. Mais tout avec sa position dans le processus de production. C’est ce groupe qui subit l’exploitation le plus directement. La classe ouvrière crée la plus-value répartie entre les différents secteurs non productifs. C’est elle qui domine les maillons vitaux de l’économie.
Outre un noyau actif au niveau de la production, la classe ouvrière se compose de nombreuses autres couches de travailleurs salariés qui se voient de plus en plus confrontés aux contradictions propres à ce système. Les grands mouvements de la « colère blanche », les grèves des enseignants, l’opposition au sein des services publics, la combativité croissante du secteur bancaire, etc., en sont des preuves.
Enfin, les chômeurs font également partie de la classe ouvrière.
Les fossoyeurs sont donc loin d’être morts, au contraire, ils sont bel et bien vivants. La classe ouvrière européenne, au sens large, compte 137,5 millions de salariés. La Belgique compte près de 3,5 millions de travailleurs salariés. Il y a dix ans, le monde recensait 884 millions de salariés.
La Commission européenne arrive à la conclusion suivante : « Il n’existe pas de preuve d’un processus généralisé de désindustrialisation. En revanche, l’industrie européenne fait face à un processus de mutations structurelles… Le processus de réallocation des ressources vers les services ne doit pas être confondu avec la désindustrialisation. »
Un bureau d’enquête français conclut: « Si le secteur secondaire a perdu 1,5 million d’emplois en vingt ans, l’emploi lié à l’industrie a continué de progresser. Les activités de services aux entreprises sont passées de 1,5 million de personnes en 1980 à 3,4 millions en 2000, qu’il s’agisse de salariés ou d’entreprises unipersonnelles. »

Dans sa Stratégie 2010, un texte qui, soit dit en passant, a également pour titre « Un avenir pour nos enfants », la FEB déclare : « Entre 1980 et 2002, le volume de production dans l’industrie belge a augmenté de 52,4 % ou 1,9 % par an. Cette forte hausse de la production a été réalisée avec 32 % de main-d’œuvre en moins qu’en 1980. Cela signifie qu’un travailleur moyen de l’industrie a produit en 2002 plus du double de ce qu’il avait produit en 1980, ce qui revient à un accroissement moyen de la productivité du travail de 3,7 % par an. » Produire moitié plus avec un tiers de personnes en moins, voilà donc « l’avenir de nos enfants ».
Le rôle dirigeant de la classe ouvrière.
Il y a 150 ans, la classe ouvrière sortait à peine du berceau et Karl Marx et Friedrich Engels écrivent dans leur Manifeste du Parti communiste: « De toutes les classes subsistant aujourd’hui en face de la bourgeoisie, le prolétariat seul forme une classe réellement révolutionnaire. Les autres dépérissent et s’éteignent devant la grande industrie, dont le prolétariat est le produit le plus propre. ». Ces phrases, Marx et Engels les écrivaient en 1848 alors que la classe ouvrière ne s’était pas encore « réalisée dans l’action » et n’avait pas encore « rassemblé toutes les autres couches sociales dans un front unique ».
Le cœur du changement actuel, c’est la lutte entre travail et capital.
Selon Lénine : "Dans n’importe quel pays capitaliste, la force du prolétariat est incomparablement supérieure au pourcentage du prolétariat par rapport à l’ensemble de la population. Ceci parce que le prolétariat domine économiquement le centre et le nerf du système économique capitaliste tout entier, et aussi parce que le prolétariat traduit sur le plan économique et politique les véritables intérêts de l’immense majorité des travailleurs en régime capitaliste. C’est pourquoi le prolétariat, même quand il constitue la minorité de la population, est capable de renverser la bourgeoisie et de gagner ensuite à ses côtés de nombreux alliés dans la masse des semi-prolétaires et des petits bourgeois, laquelle ne se prononcera jamais d’avance pour la domination du prolétariat".
La classe ouvrière de 2009 n’est plus la même que celle du début du Xxème siècle. Mais cela ne change pas la stratégie fondamentale. Qu’il s’agisse d’entreprises IT, d’entreprises pharmaceutiques, de call centers, de sociétés de nettoyage ou de logistique – même si cela sera difficile et exigera beaucoup de patience –, il est temps qu’une nouvelle génération de syndicalistes accomplisse un travail de pionnier qui aboutira à une présence syndicale, à des droits syndicaux et à une conscience de classe. Ils pourront prendre pour modèle l’expérience, la combativité et le savoir organisationnel des grandes entreprises. Même si l’on voit apparaître – en Belgique également – de nouvelles régions avec de petits secteurs non protégés, des concentrations plus importantes de forces ouvrières existent toujours.
Aujourd’hui encore, la majeure partie du prolétariat industriel est « organisée » dans des entreprises de plus de 250 travailleurs. Aux Etats-Unis, en Allemagne et en Belgique, plus de la moitié, en France et au Royaume-Uni, près de la moitié et, aux Pays-Bas, au Japon et en Italie, environ un tiers
Julien Lahaut, syndicaliste communiste au cœur des grandes luttes ouvrières
On va maintenant analyser comment des communistes ont travaillé au sein d’une partie de cette classe ouvrière : les métallos liégeois. Je voudrais le faire à partir de deux figures qui ont marqué le Xxème siècle : Julien Lahaut et Marcel Baiwir, pour terminer avec ma propre pratique militante au sein de cette sidérurgie liégeoise, de 1976 à aujourd’hui.
Le texte «Vive Lahaut» est l’épilogue du livre L’Usine (EPO, 1999) qui résume un peu l’expérience de notre génération d’intellectuels en usine. Le choix de Lahaut est la preuve vivante de la continuïté de cet engagement.
Né en 1884 à Seraing, Julien Lahaut, est le fils d’un des nombreux syndicalistes licenciés à Cockerill. Dès l’âge de quatorze ans, c’est à Cockerill qu’il apprend très jeune à organiser et diriger les travailleurs.
En 1902, des grèves éclatent, faisant des blessés à Tilleur, des morts à Louvain. Lahaut, qui dirige déjà la grève de Cockerill, est licencié pour la première fois.
En 1905, Lahaut a vingt et un ans quand il un nouveau syndicat des métallurgistes. Au cours d’une grève en 1908, Lahaut est une nouvelle fois licencié. Cela ne l’empêche pas d’être désigné comme permanent du syndicat des métallurgistes au cours des treize années suivantes!
En 1917, il part comme soldat en Russie, où se déroule la révolution d’Octobre. C’est là qu’il devient un communiste révolutionnaire, partisan convaincu de l’Union soviétique. Dès son retour, il adhère au nouveau Parti Communiste de Belgique.
En 1921, Julien Lahaut prend la direction de la grève d’Ougrée-Marihaye et la mène pendant neuf mois avec les travailleurs. Au début de ce mouvement, le POB dit: «Laissez-le donc faire, il va se casser les dents et nous en serons débarrassés.» Au bout de sept mois, les autres dirigeants syndicaux des métallos veulent mettre fin à la grève mais Lahaut et les travailleurs refusent, la lutte se poursuit. Au mois de mai, la direction exécutive du syndicat de la métallurgie annonce qu’il n’y a plus d’argent pour les grévistes... Lahaut envoye les enfants des grévistes dans des familles d’accueil flamandes.
C’est le moment que choisit le POB pour arrêter la grève. La direction syndicale de droite soudoie deux individus qui se présentent armés au piquet. Lahaut les désarme. Quelques jours plus tard, il est jeté en prison. Toute la région se mobilise et manifeste pour sa libération et contre les représailles. Mais le syndicat des métallos profite de son incarcération pour céder et mettre un terme à la grève. Depuis sa cellule, Lahaut indigné leur écrit: «Au vu de votre capitulation scandaleuse, je remets ma démission en tant que permanent.» Sa démission entraîne celle de l’écrasante majorité des travailleurs syndiqués de l’usine.
Delvigne et Bondas publient une brochure infamante pour Lahaut. L’écrivain révolutionnaire Célestin Demblon comparaîtra devant une commission du parti. On lui reproche sévèrement sa collaboration avec Lahaut et on exige qu’il abjure publiquement son bolchevisme! Demblon défend ardemment la nouvelle conception syndicale de Lahaut et s’oppose farouchement à la motion Mertens, selon laquelle «on ne peut occuper de fonction dirigeante dans la centrale métallurgique si on est membre du Parti communiste.»
En 1924, au sein de la centrale métallurgique, cette ‘motion Mertens’ est néanmoins en vigueur et tous les communistes combatifs sont donc exclus des fonctions à responsabilité du syndicat de la métallurgie. Une véritable chasse aux sorcières qui ne sera pas sans conséquences pour le monde syndical. Ainsi, à Ougrée-Marihaye, le syndicat est retombé de 4.491 membres en 1921 à... 895 en 1922. Ce n’est qu’en 1936 que le syndicat reprendra pied dans ce complexe sidérurgique.
En 1923, le capitalisme traverse une nouvelle crise. Les mineurs borains réagissent fermement: «Crever de faim alors qu’on travaille toute la journée dans la mine, ça ne prend pas avec nous!» Ils se mettent aussitôt en grève. Lahaut parviendra à étendre la grève jusqu’à Charleroi et La Louvière! Au bout de vingt et un jours, c’est une splendide victoire pour les travailleurs qui reçoivent entre 5 et 10% d’augmentation salariale. Au mois de mars, les communistes sont accusés de ‘complot contre l’Etat’. Quarante d’entre eux sont arrêtés, parmi lesquels Julien Lahaut.
En 1924, les mineurs du Borinage lancent une nouvelle grève dès qu’ils apprennent que le patronat est sur le point d’imposer une nouvelle diminution salariale de 5 à 10%. Omer Sturbois, vingt ans, est abattu par la gendarmerie. Lors des funérailles, 25.000 ouvriers sont présents! C’est précisément le jour que choisit le syndicat pour mettre fin à la grève! Les communistes, Lahaut en tête, appellent au contraire à la poursuivre. Les enfants des grévistes sont emmenés dans d’autres régions minières et dans le nord de la France. Pendant cinq jours encore, la grève tiendra le coup dans le Borinage. Mais les grévistes doivent renoncer après plus de deux mois de résistance héroïque.
La grève de 1932
Le 24 juin 1932, Julien Lahaut prend la parole à l’occasion d’un meeting à la Maison du Peuple de Wasmes. La grève est déclenchée. Des grévistes se rendent à vélo à La Louvière, Charleroi et Liège pour y chercher le soutien des autres mineurs. Dans la région liégeoise, les puits de mines sont aussitôt occupés par les travailleurs, empêchant l’application du lock-out, comme ce fut le cas lors de la grève des tramways de 1929. Stratégiquement parlant, c’est un coup de maître. A Charleroi, les sidérurgistes se mettent solidairement en grève eux aussi et, en très peu de temps, le mouvement compte 210.000 grévistes!
Misère au Borinage
Pour casser la grève qui a pris trop d’ampleur, le gouvernement fait arrêter les principaux dirigeants... communistes: Glineur, Lahaut, et bien d’autres encore. Les journaux communistes sont interdits. A Charleroi, de graves incidents éclatent quand la Maison du Peuple est prise d’assaut par les grévistes et la population.
Le docteur Paul Hennebert constitue un dossier complet qu’il intitule: «Comment on crève de faim au Levant de Mons». Cette brochure servira de script au chef d’œuvre de Joris Ivens. Ce film, Misère au Borinage, réalisé un an après la grève, reçoit un accueil glacial au POB:
1936: grève générale après deux meurtres fascistes
En Belgique, les élections de mai 1936 ont permis aux organisations fascistes de récolter un nombre de voix inquiétant! A Anvers des fascistes tuent deux travailleurs. Le lendemain, le 26 mai 1936, la grève générale est déclenchée au port d’Anvers à l’instigation des dockers communistes. Le BTB distribue un tract …contre la grève! «Dockers! Ne courez pas au suicide!» Le 12 juin, tous les mineurs sont en grève. A la FN de Herstal, ce sont les femmes qui arrêtent l’usine à l’appel des révolutionnaires. C’est la plus grande grève générale que la Belgique ait connue: le 21 juin, il y a 500.000 grévistes! Le cahier national de revendications est le suivant: 1. non-application des diminutions salariales; 2. adaptation des salaires, avec un salaire minimal de 32 francs par jour, 3. la semaine de travail de 40 heures, 4. une liberté syndicale complète et 5. une semaine de congés payés.
1941: la grève des 100.000
Le 10 mai 1941, Julien Lahaut parvient à organiser une grève de 100.000 sidérurgistes, qui s’étend de Liège au nord de la France! Les Allemands armés de baïonnettes, de canons et de lance-grenades s’apprêtent à tirer dans la foule. Lahaut se concerte avec les travailleurs et leur propose de disperser la manifestation tout en poursuivant la grève. Celle-ci durera quatorze jours de plus et, pour les grévistes, elle se terminera par une victoire sur toute la ligne: en pleine période de guerre, toutes leurs exigences sont satisfaites! Le 22 juin 1941, Lahaut est arrêté et incarcéré en guise de représailles. Il tentera de s’échapper de la citadelle de Huy mais se brisera une jambe. Il sera ensuite transféré dans plusieurs camps de concentration jusqu’à la fin de la guerre et c’est plus mort que vif qu’il sera libéré le 28 avril 1945 du camp de Mauthausen
1950: la Question royale
Lorsque le PSC parvient à mettre sur pied un référendum sur la question du retour de Léopold III, la coupe est alors pleine pour tous ceux qui s’étaient battus contre l’occupant. Sous la direction de Julien Lahaut, ils sont fermement décidés à empêcher le retour de Léopold III. Le 27 juillet, des centaines de milliers de grévistes défilent, la lutte pour l’abdication s’accompagnant de revendications sociales! Le pays compte bientôt 700.000 grévistes.
Des barricades sont dressées à la rue Pierreuse et au boulevard de la Sauvenière. Le contingent rappelé d’Allemagne en toute hâte défile dans Liège en scandant L’Internationale. Une gigantesque marche sur Bruxelles est prévue pour le 1er août 1950. La veille de la marche, le 31 juillet, à Grâce-Berleur, la gendarmerie ouvre le feu sans sommation. Quatre travailleurs sont tués, des dizaines sont grièvement blessés. La marche sur Bruxelles est annulée.
Lorsque, le 11 août, Baudouin prête serment à la Chambre, la fraction communiste du parlement s’écrie «Vive la république, à bas la monarchie!» C’est surtout la voix puissante de Lahaut qui fait trembler le parlement. Vanden Boeynants se fraie alors un chemin vers Lahaut et, le poing fermé, profère quelques menaces à son encontre. Cette nuit-là, une bombe posée sur l’appui de fenêtre du bâtiment du siège national du PC explose. Le 18 août, Julien Lahaut est assassiné à Seraing. 125.000 travailleurs et des représentants des partis communistes du monde entier constituent l’impressionnant cortège des funérailles. Les mineurs du Borinage affluent vers Liège avec à la main, le tournesol qui symbolisait «l’homme qui portait le soleil dans sa poche». Ce fut particulièrement vrai dans les camps de concentration.
A cette époque, de nombreux attentats sont également commis à l’étranger contre des dirigeants communistes, notamment contre l’Italien Palmiro Togliatti et le français Jacques Duclos… Cette piste est bien évidemment la plus cohérente…
Baiwir
La biographie de Marcel Baiwir recoupe en partie celle de son ami Lahaut. En 36 il rejoint les brigades internationales. Les communistes y jouent un rôle déterminant. Baiwir n’avait jamais manié une arme ! On constitue la douzième brigade avec le bataillon franco-belge et les bataillons allemands (Thälmann) et italien (Garibaldi).
Baiwir y rencontre André Marti, un dirigeant communiste français, membre du comité exécutif de l’Internationale communiste. A la fin de la guerre 14-18, il se trouvait sur un navire de guerre censé attaquer les Bolcheviks, mais l’équipage s’était révolté.
En fait, il fallait avoir fait son service militaire pour aller en Espagne. Baiwir n’avait pas encore été appelé. On décide que les gens qui étaient dans son cas devaient êtres renvoyés afin d’éviter une campagne anti-espagnole. Donc, il rentre en Belgique.
Le 10 mai 1940, les Allemands déclarent la guerre. Le matin, la police vient donc pour nous arrêter. Le prétexte ? Nous sommes des éléments dangereux, des ennemis du pays. Nous sommes restés à la prison St-Léonard, jusqu’à ce que les Allemands arrivent à Liège, le 13 ou le 14 mai. Avant qu’ils n’arrivent, la police est venue nous libérer.
Le PC utilise la légalité qu’on nous avait laissée. Les Allemands interdisaient toute activité politique, les syndicats sont dissous et les partis politiques interdits. Ceux-ci ne protestent pas, sauf un seul, le parti communiste !
Julien Lahaut donne le conseil: « ne vous sauvez pas ! ». Il va rechercher ceux qui ont voulu partir en exode
Baiwir se rappelle de la grève de 1941. Les Allemands interpellent Julien Lahaut, échevin et bourgmestre ff de Seraing qui est, selon eux, le dirigeant de la grève.
Lahaut en compagnie de Lambion et de deux ou trois autres camarades, vont trouver les Allemands et un accord se fait avec les patrons. Cette grève fut dirigée, chapeautée par Julien Lahaut à partir de la maison communale de Seraing.
Les Allemands savent que les communistes sont à la base de la grève. Ils n’ont plus besoin de nous chercher, parce que le Procureur général, Destexhe et le bourgmestre de Liège Bologne (POB) ont répondu à la demande des Allemands : une liste de personnes susceptibles de troubler l’ordre public est établie.
J’ai été arrêté en juin 1943. Jusqu’à la fin de cette année-là, j’ai été détenu et interrogé à Bruxelles, puis à Liège, avant d’être envoyé finalement à la Citadelle de Huy. Lahaut, Terf, Renotte s’évadent de Huy.
En mars 1944 départ vers Vught, en bordure d’un champ d’aviation. En juillet 1944, c’est en train que nous faisons la route vers Sachsenhausen,
J’apprends lors d’une réunion qu’on recrute des charpentiers à Ougrée-Marihaye, la plus importante entité sidérurgique du pays.
Je me suis retrouvé là au moment où les travailleurs étaient en grève. Ils avaient comme charge : le nettoiement des toits en tôle sur les corniches. Cela produisait des tonnes de fer, de poussières accumulées sur les toits. Ils voulaient obtenir une augmentation pour le danger encouru. Je suis resté là trois longues semaines avant que le conflit ne se dénoue. Des gens m’interpellèrent : « eh, toi, le nouveau, que penses-tu de cette affaire-là ? ». Je leur répondis : « moi ? Écoutez bien, vous avez obtenu à peu près 85-90 % de ce que vous demandiez. Cela vaut-il encore la peine de poursuivre la grève ? Posez-vous la question ! Moi, je me pose la question comme cela. Et comme je suis nouveau, je ne réponds pas ».
Les gens se sont écriés : « il a raison le nouveau, il a raison ! ». Le délégué syndical principal s’est exclamé : « cela fait trois semaines que je vous parle de cela ». Ce n’était pas tout à fait vrai. Mais enfin, on décide la reprise du travail.

Les militants syndicaux faisaient défaut au sein du Parti communiste en conséquence de la « motion Mertens ». Lors des élections communales, on avait perdu des délégués. Ils avaient été sollicités pour se présenter sur une liste. Ainsi, après avoir été élus, ils ne purent plus se présenter comme délégués à l’usine. J’avais déjà défini mes priorités : c’était plus important pour moi d’être actif au sein de l’usine que de siéger comme conseiller communal.

En 1951, il y a à peu près un an que je suis là lorsque le Gouvernement veut porter le service militaire de dix-huit à vingt-quatre mois ! Il y a une grève des soldats dans le Borinage. Les travailleurs estiment qu’un mouvement de solidarité doit se créer. Je prends délibérément la parole sans être le délégué, mais je suis appuyé par le délégué, celui qui a remplacé le brigadier démissionnaire. Alors, on part en grève !
C’est une grève de solidarité avec les soldats et contre les vingt-quatre mois de service militaire. La grève durera une huitaine de jours…
Les usines du bassin de Seraing-Ougrée seront toutes en grève. La presse internationale est sur les dents parce que c’est une grève qui unit les soldats et les ouvriers pour un objectif commun. A la fin de l’année, lorsque je vais rechercher mes timbres pour l’année suivante, les responsables de la FGTB me disent : « Tu n’auras plus de timbres, tu n’es plus rien du tout !». On me reproche d’être à l’origine de la grève. C’est Renard qui décide, c’est lui le chef !

J’étais délégué lorsque nous avons eu la grande grève de 1960. Cette grande grève de 1960 a eu lieu contre ce qu’on a appelé « le gouvernement des banquiers ». Il y a « La loi unique » parce qu’il s’agit d’une seule loi mais qui traite d’une série de mesures. Par exemple, de la liaison du salaire à l’index, de la possibilité de manipuler l’index, les heures de travail, les heures supplémentaires, les allocations familiales…
Le Parti socialiste, qui n’est pas au gouvernement à cette époque, déclenche une campagne dite de vérité contre ce projet de loi. Le Parti communiste soutient cette campagne estimant que les socialistes créaient un climat propice pour enclencher une grève d’un moment à l’autre.
Alors, il y a quelques délégués au comité syndical qui demandent qui a déclenché la grève… Ils demandent qu’on prenne des sanctions sévères Mais vers 13h30, le bassin liégeois est presque entièrement en grève.
Collard a mené la campagne de vérité pour tenter d’empêcher la Loi unique. Il faudra bien qu’il marche avec tous les dirigeants syndicaux qui, jusqu’à présent se sont tus, hormis Renard, à Liège, qui a généralisé la grève. Or, jamais, à aucun moment sur le plan national, la FGTB ne donnera, malgré les efforts de Renard, l’ordre de grève
Le soir du départ de la grève à Cockerill, Lambion nous pointe du doigt en interjetant : « Baiwir, Remacle, Zureck, vous serez sanctionnés après le mouvement que vous avez arbitrairement déclenché » et il nous destitue de nos mandats.
Après la grève, j’ai été sévèrement sanctionné. « Tu as juste agi sur les directives de ton parti» me disait André Renard. « tu es relevé de toutes fonctions syndicales. On t’autorise à payer tes cotisations. Mais si tu bouges d’une patte, tu t’arrangeras avec tes patrons ».
Donc, pendant longtemps, je ne fus plus délégué. Au Parti communiste, on a beaucoup discuté. J’y ai déclaré : « je propose de subir la sanction. Nous ne quittons pas le syndicat pour cela, on ne nous met pas dehors, nous y restons !».
Cela a fait un véritable tollé parmi les camarades du PC, qui n’acceptaient pas la sanction
Pour me permettre de m’expliquer à nouveau, on organisa une réunion au niveau fédéral. Réunion à laquelle Robert Lambion n’a pas voulu assister. Au fond, il ne souhaitait plus tremper dans la poursuite de la sanction. Je fus réintégré dans mes fonctions à l’unanimité des présents !
Tout le monde sait que je suis membre du Comité Central du Parti communiste, malgré la mesure évoquée ci-dessus. Au risque de me répéter, pas de présence sur une liste électorale communale ou autre, ni aucune responsabilité politique dans un parti. Alors qu’eux, ils siégeaient chaque semaine au bureau du Parti socialiste.
La grève à Cockerill en 1973
Fin de l’année 1973, on observe une augmentation du prix des pommes de terre en particulier, d’un tel niveau qu’elle devrait bousculer l’index. Le gouvernement décide alors de retirer les pommes de terre de l’index. Ces évènements provoquent la colère des travailleurs.
Ce que nous ne savons pas c’est que le responsable de notre fédération, Robert Lambion, négocie avec la direction nationale de la Centrale des Métallurgistes. Et là, un coup fourré semble avoir été monté. Nous sommes en grève depuis plus de huit jours et pas une seule usine dans la région liégeoise n’est partie en grève pour nous aider. On fait un petit arrêt de travail aux A.C.E.C. de Charleroi.
La Centrale des Métalllurgistes négocie en commission nationale de toute la métallurgie. Nous réclamons deux francs. Les patrons donneraient un franc soixante-cinq à tout le secteur de la métallurgie belge, c’est-à-dire plus de 80 % de notre revendication. Lorsque j’apprends cela, je téléphone au délégué principal des Aciéries et je lui dis « attention, il y aurait un accord, il faudra l’apprécier ». Il me répond : « oui, nous savons, mais ça ne va pas et le problème de la reconversion, qu’est-ce qu’on en fait ? ». Je leur réponds : « écoutez, le problème de la reconversion, on en parle dans toutes les entreprises depuis 1952
A l’aciérie, 2200 à 2300 travailleurs avaient pris part au vote. Le résultat donnait 12 voix de majorité pour la poursuite de la grève. C’est-à-dire que l’assemblée était pratiquement coupée en deux.
Fait-on une grève dans des conditions pareilles ? Les patrons demandent que l’ordre de reprise soit respecté. Ce qui fait qu’au haut-fourneau, il y a un malentendu dans le maintien de l’outil. Il y en a qui sont présents au poste, d’autres n’y seraient pas. Le patron considère qu’il y a un danger. Il décide de mettre sept délégués parmi les opposants à la reprise, à la porte. Ils les licencient tous les sept, sans l’opposition de la direction de la Fédération syndicale de Liège.
C’est là que se trouverait le traquenard dans lequel la haute direction de la sidérurgie voulait faire tomber les délégués les plus fidèles aux travailleurs ? Et ce en accord avec une partie de la direction des syndicats. Ils se sont débarassés des délégués qu’on ne manipule pas et qui bénéficient du plus grand crédit parmi les travailleurs.
Au travers de cette manoeuvre, ils avaient tenté d’atteindre ces leaders. Comment ? En tentant d’en faire les défenseurs des sept licenciés par une nouvelle grève immédiate. C’est raté.
Mon engagement à Cockerill
C’est dans cet esprit qu’une génération d’intellectuels de mai 68 a été travailler en usine, pour renouer avec la classe ouvrière. En 71 je commence comme ouvrier à la chaîne de Citroën Forest. En 1976 je déménage à Liège d'où je vais travailler comme navetteur chez Ford Genk. En 1979, année de fondation du PTB, je commence à Cockerill, où je suis prépensionné en 2003. Je suis fier d'avoir pu marcher dans les traces de Julien Lahaut et de Marcel Baiwir.

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